Nouveau renforcement du devoir de conseil du maître d’œuvre
A l’occasion d’un arrêt rendu le 22 décembre 2023, le Conseil d’Etat précise que l’élément
de mission AOR confié au maître d’œuvre l’oblige, lors des opérations de réception, à
signaler au maître d’ouvrage toute non-conformité de l’ouvrage aux stipulations
contractuelles, aux règles de l’art et aux normes techniques qui lui sont applicables.
Il s’agit en effet de permettre à ce dernier de ne pas prononcer la réception ou de l’assortir
de réserves et de décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage aux
normes concernées.
En réalité, en ce qu’elle considère que le devoir de conseil du maître d’œuvre s’étend aux
non-conformités de l’ouvrage aux normes techniques, cette solution n’est pas inédite (voir
par exemple CE, 10 décembre 2020, Commune de Biache Saint-Vaast, req. n°432783 à
propos de non-conformités aux normes acoustiques).
Elle est plus novatrice, en revanche, en ce qu’elle vise des non-conformités à des normes
qui ne figuraient pas parmi les spécifications techniques du marché de travaux mais qui
devaient y figurer.
A contrario, le juge d’appel avait considéré que le conseil du maître d’œuvre lors des
opérations de réception avait pour objectif de permettre au maître d’ouvrage de formuler des
réserves, réserves qui ne pouvaient porter que sur des non-conformités aux spécifications
du marché de travaux.
Plus exactement, il avait retenu que le maître d’œuvre n’avait pas manqué à son devoir de
conseil dès lors que même s’il avait signalé ces non-conformités au maître d’ouvrage, ce
dernier n’aurait pas pu exiger de l’entreprise de travaux qu’elle réalise les travaux permettant
d’y remédier puisqu’elle n’était pas tenue par son marché initial, de se conformer auxdites
normes.
En retenant une approche différente et plus extensive de l’étendue du devoir de conseil du maître
d’œuvre au stade des opérations de réception, le Conseil d’Etat admet qu’une non-conformité
aux normes techniques, liée à une erreur de conception, doit être signalée au maître d’ouvrage.
En pratique, cela revient toutefois à inviter le maître d’œuvre à une certaine schizophrénie
consistant à conseiller au maître d’ouvrage de formuler des réserves liées à ses propres erreurs
de conception, erreurs qui soit étaient apparentes au jour de la réception, soit étaient ou devaient
être connues de ce dernier au cours du chantier.
Bon à savoir
Le devoir de conseil du maître d’œuvre l’oblige à signaler toute non-conformité de l’ouvrage
aux stipulations contractuelles et aux règles de l’art mais aussi aux normes qui lui sont
applicables.